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| Sujet: Quand la propagande crée des classiques malgré elle Lun 18 Juin 2007 - 14:20 | |
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- « La marijuana transforme des jeux innocents en orgies tragiques. »
Trois films américains datant d’une campagne antidrogue des années 30. par Samuel Douhaire mercredi 18 avril 2007 (8 réactions) tag : cinéma d’auteur
Reefer Madness, de Louis Gasnier - DR
« La marijuana transforme des jeux innocents en orgies tragiques. » « Fumer des joints provoque des rires hystériques, puis des actes de violence et, in fine, une démence incurable. » Ces déclarations apocalyptiques n’ont pas été puisées dans le programme présidentiel de Philippe de Villiers, mais dans trois séries Z américaines des années trente exhumées par l’éditeur DVD Bac Vidéo. Assassin of Youth, Reefer Madness et Marihuana sont trois fleurons de ce que l’on appelait à l’époque la « Drug Scare Exploitation » : des fictions paranoïaques plus ou moins documentées sur les stupéfiants - le plus souvent cannabiques - et leur influence plus ou moins fantasmée sur la jeunesse américaine, conçues pour avertir les parents du danger menaçant leur progéniture.
Le genre existait déjà au temps du muet - un extrait de High on the Range, western de 1924 avec deux cow-boys amateurs de pétards, est présenté en bonus sur le DVD de Reefer Madness - mais c’est dans les premières années du parlant qu’il trouve son apogée grâce à Dwain Esper (1892-1982). Dans son premier court métrage en 1930, Sinister Menace (en bonus sur Assassin of Youth), Esper montrait déjà les « ravages » du trafic de haschich, mais en Egypte, ce pays où l’« on voit clairement la marque des bâtisseurs de pyramide dans les corps musclés des habitants » et où la drogue circule « dissimulée sous la toison des dromadaires ».
Six ans plus tard, l’auteur de How to Undress in front of your Husband (« Comment se déshabiller devant votre mari », ça ne s’invente pas) va racheter un moyen métrage antiherbe réalisé par le Français Louis Gasnier pour un lobby catholique, Tell your Children. Il l’exploite une deuxième fois sous le titre nettement plus accrocheur de Reefer Madness, et le complète par des séquences de bagarre et de striptease - mais pour la bonne cause. Car derrière l’indignation vertueuse et la rectitude morale affichées, les films de la « Drug Scare Exploitation » constituaient souvent un bon prétexte pour montrer à l’écran des scènes de violence et de sexe normalement prohibées par le très rigide code de censure Hays - Esper projetait d’ailleurs souvent ses « oeuvres » dans des cirques ou des foires itinérantes, moins contrôlés que que les salles de cinéma traditionnelles. A ce titre, Marihuana est un festival de transgressions avec seins aperçus dans un miroir, baignade naturiste et collective sur la plage et caresses prolongées bien au-delà de ce que Hollywood tolérait alors.
Mais soixante-dix ans après leur réalisation, ces nanars fauchés séduisent surtout par leur dimension autoparodique - largement involontaire, il est vrai. Dans certaines scènes d’Assassin of Youth, plusieurs projecteurs semblent être tombés en panne sans que cela ait ému outre mesure le réalisateur Elmer Clifton. Dans Marihuana, une actrice censée incarner une mère de famille est visiblement bien plus jeune que la comédienne interprétant sa fille, et la plupart des figurants ont un jeu tellement outré qu’on se demande s’ils n’ont pas, comme leurs personnages, vraiment goûté aux substances que le film est censé combattre. Au cours des années 70, nettement plus portées sur la fumette, Reefer Madness est même devenu culte dans les campus gauchistes, inspirant une comédie musicale déjantée, devenue à son tour un film (signé Andy Fickman) en 2005. Il est vrai que, loin de dégoûter du chanvre indien, des films comme Marihuana donneraient plutôt envie de se rouler illico un six-feuilles, histoire de rigoler davantage devant de telles inepties.
http://www.ecrans.fr/spip.php?article1157 - Citation :
Reefer Madness
Allemagne, Etats-Unis, 2005
De Andy Fickman
Scénario : Kevin Murphy et Dan Studney d’après leur propre pièce de théâtre Avec Kristen Bell, Christian Campbell, Neve Campbell, Alan Cumming, Ana Casteyer, John Kassir Photo : Jan Kiesser Musique : David Manning, Dan Studney, Nathan Wang Durée : 1h49 Sortie : 01 Mars 2006
1936. Dans une petite ville des Etats-Unis, des parents d’élèves sont sous le choc à la vision d’un documentaire sur les méfaits d’une nouvelle drogue au nom imprononçable: la marijuana…
[size=4]TURNING ALL OUR CHILDREN INTO HOOLIGANS AND WHORES
Petite bombe calibrée pour la télévision, Reefer Madness grignote du terrain, s’attaque au grand écran et gagne de jour en jour de nouvelles salles indépendantes sur le territoire français. Curiosité culottée, le film traîne dans son sillage une petite poignée d’adeptes depuis les festivals de Sundance et de Deauville où il a remporté le prix du public. Au départ, une idée de génie: parodier sous forme de comédie musicale le célèbre film de propagande anti-marijuana du même nom, qui fit son effet sur tous les écrans américains en 1936. Créé dans un premier temps pour la scène à Los Angeles, cette satire musicale a rapidement séduit les foules, engendrant autour de ses représentations un phénomène proche de celui du Rocky Horror Picture Show. Attirant un public endiablé qui arrive aux représentations déguisé et chante les chansons à tue-tête en même temps que le cast, la machine s’est vite mise en route, traversant le pays pour se produire dans la capitale du genre: Broadway. L’idée de transposer le tout en film a pointé le bout du nez en 2002 au service divertissement de Showtime Networks. Les chansons sont réorchestrées et accompagnées de nouvelles chorégraphies (seize au total), interprétées par une trentaine de danseurs / chanteurs et avoisinant toutes une moyenne de cinq minutes, du jamais vu pour un simple téléfilm musical.
FUN WITH JESUS AND JEANNE
Ainsi s’ajoute à l’idée judicieuse à la base du projet une audace remarquable qui se vautre avec délectation dans la démesure et l’outrance aussi bien par sa forme que son fond. Noir et blanc lisse pour les parents sages ancrés dans la réalité de la fin des années 30, qui ne voient dans leurs enfants que de jolies têtes blondes figées sur papier glacé. Couleurs kitch et paillettes pour les extrapolations de propagande qui se transforment au fil du métrage de conte de fée culcul en gore flamboyant. Le swing sympa à la sortie du lycée devient jazz endiablé et sulfureux dans un café enfumé, danses tribales, incantations vaudou. Les jolis cœurs adeptes du langage châtié de Shakespeare deviennent des psychopathes, nymphomanes, zombies, tueurs sanguinaires. Reefer Madness joue sur les codes des genres cinématographiques qu’il convoque pour mieux cerner son sujet. Avec ses gros ongles sanguinolents et des paroles finement travaillées, il écorche, gratte, titille allégrement tout ce que l’on peut imaginer de bonne morale et de convictions avec en ligne de mire la désinformation du public par les médias et les pouvoirs en place. Englué dans la spirale infernale de la marijuana, le jeune Jimmy se voit ballotté entre la déesse du chanvre, Jésus, Satan, Oncle Sam et Roosevelt sous les regards attentifs de Jeanne D’Arc et Miss Liberty.
WE’RE HAPPY, YOUNG AND BUBBLING WITH LOVE
Pour habiter cette orgie démoniaque euphorisante, une poignée d’acteurs aux multiples visages. Un cast au poil qui, à l’image de l’ensemble du film, ose la surenchère en jouant sur les clichés. En tête, Christian Campbell (frère de Neve, qui campe également un petit rôle dans le film) interprète avec maestria le personnage double de Jimmy Harper qu’il avait créé en 1997 pour la scène, à Los Angeles. Côté pile Jimmy est un garçon un brin timide et falot, propre sur lui en pull jacquard et chaussettes blanches. Côté face, il est un Apollon indomptable prompt à faire chavirer le cœur de la moindre pucelle. A ses côtés, sa Juliette, répondant au nom parfait Mary Lane (Kristen Bell, qui avait repris le rôle pour Broadway), n’a de cesse de jouer les ingénues rose bonbon aux grands yeux effarouchés qui lanceront des regards lubriques en cours de métrage. Pour conter leur histoire, l’excellent Alan Cumming. Changeant à chaque scène de costume et de visage, il sert de fil conducteur à cette intrigue et de lien entre le noir et blanc et la couleur. Si tout cet ensemble se regarde avec la plus grande délectation, on notera de temps en temps quelques longueurs dues à l’accumulation des scènes musicales, qui n’en restent, cependant, pas moins remarquables.
Julie Anterrieu
http://www.filmdeculte.com/film/film.php?id=1395 |
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